A quoi voit-on qu’un infirmier est encore étudiant ? A sa tendresse
Je voulais partager ce témoignage trouvé ici:
A quoi voit-on qu’un infirmier est encore étudiant ? A sa tendresse
Aux urgences de l’hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt, le 27 juillet 2006 (CHAMUSSY/SIPA)
Bonjour futur métier, me voilà en fin de formation, et bientôt je ferai partie des « grands », les diplômés ou les « blouses blanches » comme on peut l’entendre dans certains services. J’ai l’impression que ta place dans l’organigramme médical est la plus médiocre.
Tu te fais guider, voire lyncher par les médecins qui, cachés derrière leur immunité de bac +10, t’envoient au front face aux patients révoltés. Toi, tu es en première ligne dès que le moindre petit souci fait son apparition dans le service. Ah, quel dur métier…
Mais futur métier, dis-moi, qu’est-ce qui est le plus difficile ? Etre un infirmier, un vrai, qui, malgré les inconvénients, peut se défendre ? Ou alors n’être qu’un pauvre étudiant, baladé de gauche à droite, envoyé au front afin de pouvoir couvrir le plus possible l’infirmier diplômé ?
Tu sais, futur métier, l’étudiant, celui-là même qui prend de la place dans le service, celui-ci qui agace fortement les infirmier(e)s diplômé(e)s depuis plus de vingt ans...
« Ah ! La nouvelle réforme, vous ne savez rien faire en sortant, c’est pathétique. »
Nous sommes le filtre anti-sonnette
Mais ces « vieilles » infirmières sont la plupart du temps agressives et occultent le fait que nous sommes là pour apprendre. Par contre, pour faire les tâches ingrates, nous sommes les premiers sollicités. Il faut se faire la main paraît-il. On se pose la question de savoir si, un jour, elles se sont fait la main.
Répondre à une sonnette n’est pas la chose la plus difficile à faire mais infirmiers, aides-soignants, cadres et médecins ont un filtre anti-sonnette et cette tâche est certainement exclusivement réservée aux stagiaires. Sans oublier l’interdiction de pratiquer certains soins où la responsabilité semble trop grande pour qu’elle repose sur les épaules d’un petit étudiant.
Et l’obligation de pratiquer certains soins où l’ingratitude de ceux-là semble trop importante pour qu’un infirmier diplômé aille se salir les mains. Je pensais pourtant qu’on sortait tous égaux, on m’aurait donc menti, futur métier ?
Comment pouvons-nous trouver notre place dans certains services quand les étudiants sont traités d’une telle façon qu’on se demande si, un jour, les titulaires aussi ont été étudiants ? Difficile à dire.
Oh ! J’allais omettre : tu sais futur métier, quand nous ne sommes qu’étudiants, pourquoi n’avons-nous pas les mêmes droits que les équipes ? Par exemple, pouvoir se mélanger à elles lors des pauses ou repas ?
Soigner des numéros de chambres
J’ai fréquenté des services géniaux. C’est pourquoi je me demande encore comment il est possible qu’un tel fossé puisse exister d’un service à l’autre. La chose la plus marquante est sans doute le fait que les « roses » [couleur des blouses des aides-soignants, ndlr] devenus « blancs » ont plus l’âme d’être infirmiers. Ce sont souvent eux les meilleurs infirmiers, et de loin. Ils ne rechignent jamais à mettre la main à la pâte pour aider les anciens collègues. Eux sont passés par là...
Peut-être que certains n’ayant pas eu l’envie de surmonter cette étape devraient redescendre d’un cran, histoire de remettre un peu les pieds sur terre. Nous sommes tous égaux face aux situations les plus basiques. Je n’ai jamais aussi bien appris qu’avec des anciens « roses ».
Futur métier, dis-moi, est-ce vrai que nous soignons (soignerons) des numéros de chambre et des noms de pathologies et non des êtres humains ? La discussion, l’échange, l’information, la découverte sont difficiles à mettre en place quand on connaît à peine le nom de la personne qu’on a face à nous...
Au final, le stagiaire en sort grandi
Suivons nos transmissions, faisons vite et occultons le fait que nous soignons des personnes vivantes ! Oh, il ne faut surtout pas que chambre X soit embêtant, sinon ça sera la bataille pour savoir qui ira dans sa chambre lors de la prochaine sonnette ! J’espère que tu as deviné qui sera envoyé, futur métier ? Bien sûr, l’étudiant.
D’ailleurs, en parlant d’étudiant, tu sais, souvent les patients savent reconnaître un étudiant d’un infirmier. La tendresse, l’écoute, l’échange, la prise de temps pour s’occuper de la personne sont souvent la force d’un étudiant. Ça semble se perdre une fois le statut d’infirmier atteint.
Alors ces patients sont très reconnaissants envers nous. Notre seule fierté : rentrer chez nous le soir et avoir en tête le sourire, le regard ou le mot gentil glissés par ce patient que tout le monde refuse d’approcher sauf le stagiaire qui, au final, en sort grandi.
Je sais quel genre d’infirmier je ne serai pas
Futur métier, promets-moi qu’un jour, les mentalités changeront. J’imaginais entrer dans un univers où l’altruisme était un mot important. Finalement, de nos jours, l’égoïsme a pris le dessus.
Sache quand même que toutes ces expériences m’ont permis de me forger en tant que futur professionnel. Avec le nombre de comportements inacceptables que j’ai pu rencontrer lors de ces différents stages, je sais très bien quel genre d’infirmier je serai, et surtout quel genre d’infirmier je ne serai pas !
Je te donne rendez-vous dans quatre mois,
A bientôt.
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